Dimanche 1er juin : (suite)
Commencent alors les minutes les plus difficiles, le taureau ne charge plus, il résiste tant bien que mal pour rester debout sur ses pattes. Le sang dégouline de sa gueule, ses poumons ont dû être transpercés. Il sait bien que la mort l'emportera dès qu'il fléchira les pattes. On imagine alors le petit veau qu'il était à la naissance, son premier reflexe était de se mettre debout, pour être capable de fuir les prédateurs... Sauf qu'en grandissant, il est devenu stupide, il ne cherchait plus à fuir les prédateurs et il chargeait aveuglément tout ce qui s'agitait devant lui, ce qui l'a mené inexorablement à sa mort. Les autres n'ont eu qu'à agiter des bouts de tissus devant lui pour l'amener où ils voulaient et le pénétrer ! Quand le taureau tombe enfin à terre, un peone s'avance alors prudemment avec une dague pour l'achever, en lui coupant les cervicales juste derrière la tête. On saisit parfaitement l'instant de la mort quand les muscles des pattes se raidissent d'un coup. Une fois accrochée à l'attelage de chevaux, la carcasse est traînée dans l'arène pour un petit tour d'exhibition bien macabre, au son des fouets qui claquent...
Au fait, l'animal meurt vraiment, on ne l'amène pas à la clinique vétérinaire pour le soigner ! Précision utile car une française, assise derrière nous, se posait cette question à haute voix... Après cette première mise à mort particulièrement sanguinolente, nous regardons quand-même les 4 mises à mort suivantes pour essayer de comprendre cet engouement. Le second matador, alias "Blondinet", doit être "bon" car une grande partie du public agite des mouchoirs blancs pour l'ovationner après la mise à mort. On lui octroie alors les deux oreilles du taureau (nous avons attendu son second taureau pour essayer de comprendre ce qui était bien, ou pas, mais sans succès). Christophe espère alors qu'un des taureaux encornera un toréador, révélant un plaisir encore plus malsain : regarder un animal se faire tuer, c'est déjà pas terrible, mais attendre qu'un homme se fasse blesser, c'est carrément ignoble, même si l'homme en question le cherche bien ! De toute façon, les taureaux sont trop stupides et même la bête la plus vigoureuse ne s'en prend qu'à la cape qu'elle est arrivée à arracher des mains du toréador.
Comme pour son premier taureau, "Blondinet" fait à nouveau preuve de cran en s'agenouillant devant la sortie du toril au moment où le taureau, encore sain et vigoureux, s'élance dans l'arène. Mais la fin est toujours le même... Son second taureau, une fois pénétré, résiste très longtemps, trop longtemps, une éternité, avant de s'écrouler raide mort, d'un coup ! Décidément, ce spectacle est trop cruel, nous n'attendons donc pas la fin de cette novillada, il est temps de passer à un vrai plaisir sain : manger (ça ne nous a quand-même pas coupé l'appétit
) !
Au fait, si vous voulez voir une corrida vraiment amusante, achetez le DVD de l'excellent film "Un singe en hiver" avec les géniaux Gabin et Belmondo. Certes, on ne vous jettera pas la pierre si vous allez en voir une, nous l'avons bien fait, mais on vous le déconseille tout de même fortement (et si vous n'êtes pas convaincu, relisez les paroles de la chanson de Francis Cabrel, "La corrida", elles évoquent particulièrement bien le déroulement d'une corrida). Même si ce n'était qu'une novillada, que les matadors n'étaient peut-être pas bons (mais ça ne semblait pas être le cas pour "Blondinet"), que le spectacle aurait pu être plus "beau" avec des matadors expérimentés, la corrida est et restera un spectacle où l'on prend plaisir à tuer un animal ! Puis, il y aussi l'aspect zoophile de la corrida. Jusqu'à preuve du contraire, le matador n'a qu'une idée en tête : pénétrer profondément le taureau de sa longue (et fine) épée. Si, si ! Il faut aussi bien observer la posture du matador : les fesses serrées, les épaules et les pieds en arrière et la bite en avant ! Et quand il a enfin pénétré le taureau de sa longue épée, on a vu "Blondinet" donner des petits coups de reins pour ponctuer les secondes qui passaient alors que la bête mourante restait encore sur ses pattes... Franchement, mater un "show" pornographique dans le quartier rouge d'Amsterdam est certainement moins obscène que d'assister à une corrida. L'humanité juge tabou l'acte qui permet à l'Homme de se reproduire mais glorifie la mise à mort d'un animal, étrange espèce que nous sommes...