Nage en eau trouble !

Article n° 137, publié le 4-Novembre-2017, par Christophe.
Catégorie(s) : plongée, science & culture.

BD eau trouble - 1

BD eau trouble - 2

BD eau trouble - 3

Alors pourquoi un ti'punch est-il trouble ? C'est ce que j'ai promis d'expliquer il y a trois semaines et je vais donc m'exécuter. Vous apprendrez par la même occasion, ce qu'est une thermocline et pourquoi voit-on l'eau toute trouble dans une thermocline ! Sachant, qu'en plus, ce phénomène d'eau trouble est aussi observable en plongée dans les cénotes au Mexique, à la limite entre l'eau douce et l'eau salée, vous allez être sacrément «culturellisés» après la lecture de cette article ;-). Puis, vous saurez aussi pourquoi les plongeurs sont tous marseillais sur les bords (du masque) car les sardines peuvent paraître aux plongeurs plus grosses qu'elles ne le sont en vérité. Mais je compte aussi expliquer la couleur des nuages et de la glace des glaciers, blanche ou bleue, et pourquoi il y a des petites stries blanches dans les glaçons sortis du congélateur (sachant que normalement, on ne met pas de glaçon dans le ti'punch, seulement dans l'anisette marseillaise tant apprécié d'un trop grand nombre de plongeurs).

Tout d'abord, nous allons retourner au collège et je vais évoquer le coup de la règle que l'on plonge partiellement dans un aquarium : celle-ci paraît alors brisée au point de contact avec l'eau. C'est ce que l'on appelle le phénomène de réfraction dû au fait que la lumière ne se propage pas de la même manière dans l'air ou dans l'eau, ou plus simple et vulgarisé à l'extrême, dû au fait que les rayons lumineux sont déviés lorsqu'il passe d'un milieu (l'air ou l'eau, ou le verre) à l'autre (pour le détail, voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Réfraction). D'ailleurs, c'est en jouant sur la forme de la lentille d'une loupe que l'on crée justement un effet de loupe, en calculant comment sont déviés les rayons lumineux, pour avoir le grossissement voulu. Et involontairement, le masque d'un plongeur placé devant ses yeux (ailleurs, ça n'a pas trop d'intérêt) aura un effet de loupe : les rayons lumineux réfléchis par une sardine (et oui, une sardine réfléchit plus que certaines commentateurs du Web 2.0) traversent d'abord l'eau, puis le verre du masque où ils seront une première fois un tout petit peu déviés, puis l'air pour arriver jusqu'à l'œil du plongeur. C'est là qu'ils seront le plus déviés par rapport à la direction qu'ils avaient dans l'eau. Et quand on fait le croquis de toutes ces déviations, on s'aperçoit que le plongeur voit la sardine plus grosse d'elle ne l'est en réalité, d'environ 30 %. Cela dit, l'effet de loupe du masque est salvateur pour les vieux plongeurs presbytes : ça leur permet de voir plus facilement les indications de leur ordinateur de plongée ;-). On fait donc moins vieux sous l'eau (au moins, jusqu'à un certain âge) !

La taille de la sardine !

Maintenant, qu'est-ce que la thermocline ? C'est la zone, en profondeur (dans les 30 / 40 mètres sur les côtes françaises de Méditerranée en été), où l'eau chaude, plus légère, au-dessus, ne se mélange pas à l'eau froide, plus lourde, en-dessous. Bien évidemment, cette zone n'est pas totalement homogène, ni toute plate ou toute lisse, ça ondule un peu. Comme l'eau froide et l'eau chaude ne propagent pas les rayons lumineux de la même manière (les deux milieux n'ont pas le même indice de réfraction, dès fois que vous cherchiez à briller en société), en passant à travers la thermocline, les rayons lumineux sont donc chahutés (ils sont plus ou moins déviés). Le plongeur voit donc toute trouble dans cette zone. Et dans les cénotes au Mexique, ces grottes inondées sous le plateau calcaire du Yucatan, il ne s'agit pas d'eau froide ou d'eau chaude, mais d'eau douce, légère, qui rencontre en profondeur de l'eau de mer, plus lourde (car chargée en minéraux). Comme pour l'eau chaude et l'eau froide, l'eau douce et l'eau de mer ne se mélange pas : l'une, la plus légère reste au-dessus de l'autre, la plus lourde. De plus, l'eau douce et l'eau de mer ne propagent pas les rayons lumineux de la même manière, donc comme pour la thermocline, à la séparation des deux milieux, c'est tout trouble. Quant au ti'punch, le sirop de sucre de canne liquide ne se mélange pas bien au rhum, le mélange n'est pas homogène, les rayons lumineux sont donc déviés en passant de l'alcool au sirop et rebelote dans l'autre sens, et ainsi de suite, le ti'punch est donc tout trouble !

Ti

Maintenant, prenons de la vapeur d'eau sortant d'un geyser, ou plus simplement d'une cocotte-minute : pourquoi voit-t-on la «vapeur» blanche ? D'abord, parce qu'il y a un abus de langage, ce que l'on appelle la «vapeur» sortant d'une cocotte-minute est certes en grande partie de la vraie vapeur d'eau, c'est-à-dire l'état gazeux de l'eau quand elle est au-dessus de 100 °C, mais aussi de très fines gouttelettes d'eau en suspension dans la vapeur et l'air (quand la vapeur refroidit, dès la sortie de la cocotte-minute, l'eau revient aussitôt à l'état liquide). La vapeur d'eau (eau > 100 °C) est transparente, pour s'en rendre compte, il suffit de se faire cuire un œuf dur (désolé, je n'ai pas trouvé d'exemple éthylique) : les petites bulles qui se forment au fond de la casserole et qui remontent à la surface, sont bien transparentes (mais peut-être qu'avec une énorme bulle de vapeur de 6 mètres de diamètre, on la verra de couleur différente, un peu turquoise, par exemple, car le rouge commencerait à être absorbé ;-)). Mais alors pourquoi ce que l'on nomme «vapeur» à la sortie de la cocotte-minute est blanche (et relativement opaque : il suffit de placer une ampoule derrière le panache de «vapeur» de la cocotte-minute pour se rendre compte que quelques décimètres de «vapeur» suffisent à masquer la lumière provenant de l'ampoule). Comme ce n'est pas à cause de la vraie vapeur d'eau, transparente (il n'y aurait que de la vapeur d'eau, on aurait juste un aspect trouble comme dans le cas du ti'punch ou de la thermocline), il ne reste donc que les très fines gouttelettes d'eau en suspension dans l'air et la vapeur, pour réfléchir entièrement les rayons lumineux (tout le spectre), sans absorption !

Mais comment font ces gouttelettes d'eau qui sont normalement transparentes pour réfléchir les rayons lumineux ? Simple, elles s'y mettent à plusieurs pour dévier les rayons lumineux dans tous les sens mais surtout pour les réfléchir (comme un miroir) et les renvoyer vers un observateur sans absorber aucune couleur ! Dans la «vapeur» de cocotte-minute, on se retrouve avec un très grand nombre de très fines petites gouttelettes d'eau en suspension dans l'air et la vapeur, séparées entre elles par de l'air ou de la vapeur. Les rayons lumineux traversant ces gouttelettes sont légèrement déviés à chaque changement de milieu (air, vapeur, eau), ça part dans tous les sens, et ce que l'on voit, ce sont tous les rayons lumineux qui sont réfléchis vers nous. On voit donc ce panache de «vapeur» tout blanc comme pour un verre dépoli. La surface de ce dernier, bien que douce au toucher est en fait couverte de microscopiques rayures, le verre dépolie «diffuse» alors la lumière dans tous les sens, alors que le verre poli, à la surface non rayée, laisse passer les rayons lumineux sans les «diffuser» dans tous les sens. Prenez un diamant, rayez un morceau de verre poli, la rayure sera pleinement visible, surtout tant qu'il restera de microscopiques fragments de verre dans la rayure (ça fait alors comme les petites gouttelettes d'eau en suspension). Nettoyez bien la rayure, elle se voit déjà moins ! Si les enfants veulent essayer, qu'ils prennent le diamant de leur grand-mère et qu'ils rayent le miroir Louis VXI du salon de leur grand-mère ;-), il devrait y avoir un second effet «Kiss Cool» garanti mais c'est pour une bonne cause, une expérience scientifique !

De l

Autre exemple de panache blanc : les nuages qui sont des gouttelettes d'eau en suspension, ou même de cristaux de glace. On les voit blanc car ils réfléchissent la lumière blanche, du fait des gouttelettes d'eau qu'ils contiennent et qui reflètent les rayons lumineux provenant du soleil. Si les gros cumulo-nimbus d'orage sont tout noirs, c'est qu'ils sont énormes et que la lumière du soleil n'arrive pas à passer au travers. Si on observe de tels nuages, de loin, par exemple des nuages se formant au-dessus de montagne alors que l'on est en plaine où il fait soleil, on voit bien ces gros nuages, en forme de colonnes toutes droites, blancs. Mais par contre, celui qui est sous ces nuages, en montagne, les verra bien noirs ! Puis, si on survole en avion ces nuages, ils seront blancs. Les cosmonautes dans la station spatiale internationale, voient toujours les nuages blancs, même ceux des énormes cyclones, quand ils sont dans l'hémisphère éclairée par le soleil.

La neige, pourquoi est-elle blanche ? La neige, des cristaux de glace, une structure très aérée, très fragmentée, pas besoin d'en dire plus... Les glaçons du congélateur sont presque transparents à part des petits points ou des rayures : c'est de l'air, de minuscules bulles d'air qui sont restées prisonnières dans la glace quand elle s'est formée. Cela crée des réflexions dans la glace, les rayons lumineux reviennent alors tout droit vers celui qui vient de sortir le bac à glaçons du congélateur. La glace des glaciers de montagne : ces glaciers se sont formés par accumulation de neige au cours des hivers, avec la fonte en été, puis l'eau de fonte qui a stagnée dans le glacier et qui s'est retransformée en glace l'hiver, qui refondu l'été suivant, puis qui s'est solidifiée à nouveau, etc... Là où la glace est «jeune», de l'air est toujours coincé entre les cristaux de neige, ça fait plein d'arêtes qui reflètent la lumière, on voit cette glace blanche. Par contre, là où la glace a fondu et s'est reformée au cours des années, année après année, l'air a été chassé, cette «vieille» glace est alors devenue translucide, elle laisse passer les rayons lumineux. Et quand on rencontre une grosse épaisseur de «vieille» glace, cette épaisseur va faire comme l'eau : absorber les rayons rouges, puis les verts, et ne refléter que les bleus ! Et pourquoi seulement une dizaine de centimètres de glace peut avoir une couleur bleue ? Simple : les rayons ayant pénétré la glace, sont allés faire un périple de quelques mètres dans la glace (le morceau de glace ne fait peut-être que quelques centimètres d'épaisseur mais il est certainement long de plusieurs mètres) avant d'être reflétés vers la surface, mais seulement pour le bleu (le rouge et le vert ayant été absorbés).

L'eau dans le sillage d'un bateau ou dans une chute d'eau : ce sont des petites bulles d'air aussi, qui se forment dans l'eau du fait de la perturbation de l'hélice du bateau ou l'arête de la falaise d'où coule la chute d'eau. Ces petites bulles d'air diffusent et reflètent la lumière, l'écume a alors une couleur blanche ! Quand l'eau se repose à nouveau, les bulles remontent à la surface, l'eau redevient transparente ! Ce n'est pas plus difficile ! Maintenant, revenons aux fondamentaux et à la question primordiale : pourquoi le sucre du sirop de canne ne se mélange pas avec le rhum ? Vous avez 60 minutes ! Le prix Nobel de chimie pour l'année prochaine est en jeu ! En attendant, vous pouvez toujours admirer nos photos d'Islande : https://www.amvdd.fr/php/page.php?voyage=ISLANDE

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