Rhum & dérivés...

Article n° 36, publié le 9-Mars-2013, par Christophe.
Catégorie(s) : science & culture.

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D'abord, une fois pour toute : le rhum est à boire avec beaucoup de modération, ça titre dans les 50 degrés d'alcool, ce n'est donc pas un liquide totalement inoffensif pour la santé. Voilà, ça, c'est dit ! Secundo, je ne vais pas parler de rhum vieux : le vieillissement dans des fûts en bois complique trop les choses. Je vais donc disserter sur le rhum blanc, celui presque directement sorti de l'alambic. Et tertio, comme c'est un sujet qui me tient à cœur puisque je me considère comme (presque) originaire de Guyane, département français d'Outre-mer où l'on fabrique un des meilleurs rhums au monde, le rhum «La Belle Cabresse», je ne vais principalement parler que du rhum agricole blanc !

En effet, il faut savoir qu'il y a deux sortes de rhum blancs, le rhum agricole et le rhum industriel ! Le rhum industriel (encore nommé rhum traditionnel) est produit à partir du résidu d'une sucrerie, la mélasse. Il n'a donc plus aucun goût de canne à sucre, ce n'est plus qu'un alcool sans grand intérêt gustatif ! Par contre, le rhum agricole est directement fabriqué à partir du jus de canne, il garde donc, plus ou moins (ça dépend du procédé de fermentation), l'odeur et le goût de la canne à sucre. C'est assez simple de faire la différence entre un bon et un mauvais rhum : ouvrez la bouteille et sentez l'odeur dégagée. Si l'alcool vous pique le nez, c'est du mauvais rhum et les rhums industriels se classent généralement dans cette catégorie ! Si, ça sent bon la canne, c'est un rhum agricole ! Et comme j'espère que vous ne buvez pas de l'alcool uniquement dans le but de vous soûler la tronche, celui qui sent le meilleur est forcément celui qui aura le meilleur goût. Donc, quand je parle de rhum que je bois avec délectation, c'est forcément du rhum agricole ! Et en plus, ça m'arrange de ne parler que de rhum agricole blanc puisque je ne vais donc évoquer avec joie que les plus beaux départements de France : la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane (et un peu de l'Ile de la Réunion, bien qu'il y ait les paysages les plus spectaculaires de France, ils y fabriquent malheureusement le pire rhum des DOM). Car, grosso modo, ce sont les producteurs de rhum des Antilles qui ont inventé l'appellation rhum agricole pour se distinguer des productions des îles voisines. Et par voie de conséquence, le meilleur rhum agricole blanc est donc produit dans les DOMs !

Passons maintenant au vif du sujet : les meilleurs rhums agricoles blancs ! La 1ère place est remportée par le «Neisson» distillé au Carbet en Martinique ! Indéniablement, c'est le meilleur, le top du top ! En seconde position arrive, le rhum «La Belle Cabresse» distillé à St Laurent du Maroni en Guyane Française. Et en troisième position, c'est le rhum «Bologne» distillé à Basse-Terre en Guadeloupe. Notons quand même celui qui reste au pied du podium : le rhum «Bielle» distillé à Marie-Galante. Il pourrait facilement se classer en première place, sauf que c'est le rhum qui titre le plus en alcool (et malgré cela, il sent bon la canne). D'accord, il existe d'autres rhums mais c'est notre classement à Anne-Marie et moi, c'est comme ça et puis c'est tout ! En Martinique, il y a beaucoup de distilleries, certaines produisent de bons rhums comme le «Depaz» mais certaines produisent aussi des alcools de médiocre qualité comme le «Trois-Rivières». Cette distillerie est située en plein «Touristland», sur la route qu'empruntent les touristes venant de l'aéroport, c'est pour ça qu'elle est connue des métropolitains mais la qualité de ce rhum n'est vraiment pas très bonne.

Alors, comment les déguster ? Il n'y a vraiment qu'une seule manière (pure, c'est quand même trop fort) de déguster un de ces excellents rhums : le ti'punch, le «petit» punch en créole (et pas T-punch comme je l'ai parfois lu, le verre n'a pas la forme d'un «T» comme un T-shirt). Il s'agit d'un fond de sucre de canne (avec une goutte d'eau pour faire fondre le sucre s'il le faut), d'un zeste de citron vert et d'une bonne rasade de rhum agricole blanc, rien de plus ou de moins ! C'est vraiment la seule méthode pour apprécier pleinement un très bon rhum agricole blanc comme le «Neisson». Je ne rentrerais pas dans la polémique qui consiste à savoir s'il faut mettre un glaçon ou pas.

Après, il faut avouer qu'on entre dans le délire collectif, tout le monde mélange tout ! Alors, essayons de remettre les choses à leur place :

• Le ou les punchs (tout court !) : ce sont généralement des préparations à base de fruits qui ont macéré plusieurs mois dans du rhum avec une gousse de vanille (en ajoutant parfois du sucre) et qui lui ont transféré leur goût. Personnellement, je les prépare sans sucre, libre ensuite à celui qui le consomme de mettre un peu de sucre de canne comme pour le ti'punch. Les métros les confondent souvent à tord avec les rhums arrangés : grosse erreur ! Le punch est une spécialité des Antilles et le rhum arrangé de la Réunion ou de Madagascar, que l'on prépare avec des épices (citronnelle, cannelle, etc...) mais sans sucre (le rhum arrangé se boit en digestif, normalement).

• Les rhums arrangés : ils ne se préparent généralement pas avec du rhum agricole mais avec du rhum industriel comme le «Charrette» de l'Ile de la Réunion. Le but est vraiment d'arranger le goût du rhum avec des épices et il faut avouer que les résultats sont souvent spectaculaires (heureusement pour les Réunionnais). Les préparations pour rhum arrangé se trouvent en supermarché sur l'Ile de la Réunion mais vous pouvez ausi bien préparer, vous-même, le mélange d'épices à votre goût.

• Le shrubb : le mutant entre le punch et le rhum arrangé. C'est une liqueur antillaise à base de rhum, avec du sucre de canne, des écorces d'oranges, de la vanille, de la cannelle et d'autres épices (chacun a sa recette). C'est vraiment très bon ! Les préparations industrielles ne sont pas mauvaises mais les meilleurs shrubbs sont bien évidemment les préparations maisons (disons, artisanales) que l'on peut trouver sur les marchés aux Antilles.

• Le punch coco : l'exemple qui confirme la règle. Contrairement aux punchs aux fruits décrits précédemment, il ne s'agit pas de noix de coco qui macère dans du rhum pendant des mois. Il faut du lait de noix de coco (pas de pulpe), du lait concentré sucré, de la cannelle, de la vanille, parfois de l'anis étoilé (les recettes de famille diffèrent d'une personne à l'autre) et bien sûr du rhum. On peut déguster sans attendre ! C'est vraiment très bon à l'apéritif mais n'achetez que des préparations artisanales !

Petit aparté : nous avons bu une fois une préparation excellente et assez singulière avec du rhum et de la noix de coco. Il faut prendre une noix de coco entière, faire un petit trou dans la noix pour vider l'eau de la noix, remplir la noix de rhum, reboucher hermétiquement, enterrer la noix de coco et attendre plusieurs mois que le rhum dissout la pulpe de noix de coco ! Si mes souvenirs sont bons, on prépare ça à Pâques pour le déguster à Noël...

Passons maintenant aux cocktails typiques à base de rhum. N'achetez pas les mélanges alcoolisés tout près en supermarché, ils sont généralement assez mauvais car beaucoup trop dosés en alcool pour permettre la conservation des breuvages (remarque valable aussi pour le punch coco). Ceux-ci sont donc à réaliser soi-même :

• Le planteur : c'est un cocktail à base de jus de fruits (goyave, ananas ou orange), de sucre de canne (certains le remplacent par du sirop de grenadine, mais je n'aime pas car la grenadine a un goût trop prononcé), de rhum (même du moins bon), agricole ou ambré, et d'un peu de cannelle et de vanille. Le but du jeu étant de masquer le goût de l'alcool, les planteurs sont donc souvent traîtres. Notre recette : 3-5-12 ! 3 volumes de sucre de canne, 5 de rhum et 12 de jus de fruit (1/3 ananas et 2/3 d'orange, par exemple).

• La piña colada : du lait de noix de coco, du jus d'ananas et du rhum. C'est vraiment très bon ! Pour se simplifier la vie, on trouve facilement le mélange lait de noix de coco et jus d'ananas (sans alcool) tout près en supermarché, il n'y a plus qu'à rajouter le rhum à sa convenance.

• Le daïquiri : un cocktail à base de rhum, jus de citron vert et sucre de canne, avec plein de glace pilée. C'est donc assez proche du ti'punch, sauf qu'il y a beaucoup plus de jus de citron et de glace. Mais, attention, ça doit bien être le cocktail, à base de rhum, le plus traître car avec la glace pilée, ça se boit tout seul et le rhum est très peu dilué. Heureusement, les effets secondaires connus sont bénins : la victime ayant consommé un daïquiri se met généralement à chanter ;-) !

• Le mojito : rhum, jus de citron vert, feuilles de menthe, eau gazeuse et sucre. Ce n'est pas le cocktail que je préfère car le goût prononcé du rhum agricole blanc (donc antillais) ne se marie pas au mieux avec la menthe. En plus, il est assez difficile à réaliser car les feuilles de menthe entières ont un joli effet dans le verre mais ne donne pas trop de goût au cocktail, mais si on cisèle les feuilles en trop petits morceaux, le cocktail devient pénible à boire.

Voilà, maintenant, j'espère qu'en ayant lu tout ça, vous allez vous lever, ouvrir votre bar, vous saisir de la bouteille de Bacardi et la vider dans l'évier ! Courez ensuite chez le poissonnier le plus proche et achetez trois sardines pas trop grosses (ou des anchois) que vous glisserez dans votre bouteille de rhum agricole blanc «Trois-Rivières» ! Et oui, ça fera un punch aux sardines, certainement imbuvable, mais ça décorera de manière énigmatique votre bar. Pour le «Charrette», c'est quand même ennuyeux de gâcher un produit de l'Ile de la Réunion. Prenez donc un bâton de cannelle, une gousse de vanille, un zeste séché de citron, essayez de rentrer tout ça dans la bouteille et attendez 6 mois, ça devrait aller !

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