Tout est question de bruit !

Article n° 128, publié le 22-Avril-2017, par Christophe.
Catégorie(s) : science & culture.

BD taille capteur APN - 1

BD taille capteur APN - 2

BD taille capteur APN - 3

Alors que les photographes amateurs se tournent vers leur smartphones, les appareils photos compacts, offrant pourtant plus de fonctionnalités «utiles» que les smartphones, sont de plus en plus délaissés. Les bridges (c'est-à-dire des compacts avec un gros objectif non interchangeable) n'ont plus la côte (il faut dire que je n'en voyais pas vraiment l'utilité à part celle de protéger le capteur des poussières) et sont remplacés par les hybrides qui proposent des objectifs interchangeables, mais pas toujours de réelle visée reflex (bonjour l'écran pour cadrer avec le soleil dans le dos). Mais les hybrides ne sont pas pourtant appréciés par tout le monde : pour certains, leurs objectifs sont trop volumineux ! Quant aux reflex, le grand public les juge aussi trop volumineux, les comparant sans vergogne à leurs smartphones qui se glissent dans une poche alors que point de vue capteur / optique, les photos faites avec un reflex n'ont rien à voir avec celles des smartphones (même si certaines photos de smartphone peuvent être bluffantes, mais c'est juste du bluff). Alors que faut-il choisir ?

Déjà, il faut savoir ce que l'on compte faire comme photo et ce que l'on compte faire de ses photos ? Que des selfies pour les poster sur les réseaux sociaux, plus de 10 fois par jour ? Déjà, ne vous posez plus la question quant au choix de l'appareil photo mais posez-vous plutôt la suivante : quel psychiatre allez-vous consulter pour vous guérir de votre narcissisme obsessionnel ? Blague à part, est-ce pour prendre en photo ses enfants et sa famille, pour les regarder sur une tablette, sans jamais les imprimer ou alors juste quelques unes en petit format ? Pour les photos de famille, vous aurez plutôt besoin d'un petit zoom optique allant du 28 mm au 80 / 100 mm (équivalent 24x36) et d'un bon flash ou d'un appareil avec un capteur permettant de monter sans bruit dans les ISO, ce que les smartphones sont (aujourd'hui) incapables de proposer ! Pour ce genre de photos, les compacts ou les bridges devraient vous convenir. Pour faire des photos de sport ou de safari ? Il va vous falloir des optiques avec des focales de plus de 300 mm si vous ne voulez pas que le sujet photographié ne fasse que quelques pixels perdus dans la photo. Et vous allez aussi avoir besoin de cadrer rapidement, même avec le soleil dans le dos et sans être gêné. Vous aurez aussi certainement le besoin de monter très haut dans les ISO si le soleil n'est pas au rendez-vous. Et pour cela, le reflex APS-C reste ce qui se fait de mieux, ne vous en déplaise (non, ne me parlez pas de montage de complément optique avec un clip devant votre smartphone, s'il vous plait ;-)). Le reflex full frame 24x36 sera plutôt utile pour réaliser des photos avec un très grand angle (genre 15 mm ou fish eye).

Mais pourquoi suis-je aussi catégorique (je sais, mon article part un peu à l'envers mais c'est fait exprès pour maintenir le pseudo-suspense jusqu'à la fin ;-)) ? C'est assez simple : les lois de l'optique sont ce qu'elles sont et qui plus est, elles sont universelles. Elles sont donc les mêmes pour les propriétaires de smartphone ou de reflex ! Dans le cas d'un smartphone, l'optique doit «éclairer» (sans zone d'ombre dans les coins par exemple) un capteur de seulement quelques millimètres-carrés (environ 15 mm², et encore...) alors que dans le cas d'un hybride ou d'un reflex, le capteur fait quelques centimètres-carrés (jusqu'à 864 mm², soit 8,64 cm² pour un reflex full frame 24x36). Et plus le capteur est grand, plus l'optique doit être «grosse» pour être capable d'éclairer ce capteur. Pour en faire la démonstration, il suffit de prendre une simple loupe et de regarder sur une feuille de papier la projection des rayons du soleil qui passent à travers cette loupe : plus vous rapprochez la loupe de la feuille de papier, plus le cercle lumineux est petit ! Donc, soit vous voulez un appareil qui se glisse dans une poche de pantalon et vous aurez la qualité photo qui va avec (attendez le paragraphe suivant pour comprendre) et vos photos seront toutes prises en grand angle (même s'il y a moyen de zoomer numériquement, en dégradant encore plus la qualité de la photo), soit vous voulez faire de meilleures photos dans toutes les conditions de lumière, avec un bon zoom optique, et vous devez admettre que l'appareil ne se glissera pas dans une poche. Comparer les appareils photo par leur volume ne devrait pas être un critère à prendre en compte si votre objectif premier est la qualité des photos !

Tailles de capteur par catégorie d'appareil photo (tailles qui peuvent être différentes d'un constructeur à l'autre) :

Dessin taille capteurs APN

Oui, le petit truc orange en bas à gauche, c'est bien un capteur de smartphone, très fortement agrandi...

Mais alors, pourquoi un petit capteur est-il moins performant qu'un grand capteur, surtout dans des conditions de basse lumière (à l'intérieur d'un bâtiment par exemple, sans éclairage particulier) ? Là, ce sont les lois de l'électronique qui s'appliquent, même si les algorithmes informatiques sont capables de venir brouiller les cartes (les cartes à jouer, pas les cartes électroniques) ! Pour prendre une photo en basse lumière, il va falloir monter en ISO (réglage souvent automatique sur les smartphones), c'est-à-dire, il va falloir amplifier le signal électronique, faible, en provenance du capteur. Ce qu'il se passe alors, c'est exactement comme pour l'ampli d'une chaîne HiFi (elles aussi remplacées par les smartphones et les casques ou enceintes Bluetooth) ou d'un «home cinema» ! A mi-volume, alors qu'aucune source n'est connectée (ni DVD, radio ou platine disque pour les anciens), ce qui correspond à prendre une photo en basse lumière pour un APN, l'ampli ne crache quasiment rien dans les haut-parleurs. Par contre, si on pousse le bouton du volume à fond, toujours sans source connectée, on va entendre un petit crachotement et / ou un petit sifflement désagréable qui provient de perturbations dans l'électronique de l'ampli, dues au fait que certains électrons ne veulent pas rester à leur place (oui, je sais, je fais dans la vulgarisation à outrance), ce que l'on appelle dans le domaine électronique, du bruit (et oui, ça fait du bruit dans les haut-parleurs, ça vient tout bêtement de là) ! De plus, dans un APN, la promiscuité des photosites (les «cellules» recevant la lumière et la transformant en signal électronique) entre en jeu : comme chaque photosite a la fâcheuse tendance électronique de perturber ses petits voisins (encore dû à des électrons qui partent voir ce qui se passe à côté), pour un même nombre de pixels, c'est-à-dire pour un même nombre de photosites, plus le capteur est petit, plus les photosites sont proches les uns des autres et plus les perturbations électroniques sont importantes (comme chez les humains, la promiscuité n'a rien de bon). Et plus la lumière est basse, plus on amplifie ces perturbations et plus le bruit électronique est visible. En photo, ce bruit électronique (au fait, à ne pas confondre avec le grain sur les photos : c'était du temps ancestral des pellicules argentiques) se traduit par des pixels n'ayant pas la bonne couleur (par exemple, au lieu d'être noir, les pixels sont un peu rougeâtres ou verdâtres) et quoi qu'on en dise, ça ne fait pas très joli (alors que le grain sur une photo argentique pouvait donner un effet sympathique). En résumé : plus le capteur est petit, plus les photos sont moches en basse lumière et cette règle est universelle !

Bien sûr, la technologie évoluant (les fondeurs de silicium qui est la matière principale des capteurs, arrivent à réduire de plus en plus, les perturbations des photosites entre eux, bien qu'elles restent toujours présentes), un capteur APS-C d'un reflex de 6 méga-pixels d'il y a 10 ans était aussi mauvais qu'un capteur de 20 méga-pixels d'un smartphone d'aujourd'hui, mais le capteur APS-C d'aujourd'hui est bien meilleur que celui du smartphone d'aujourd'hui ! Mais pourquoi n'a-t-on pas toujours l'impression que ce soit le cas ? Si vous vous rappelez, j'ai mentionné dans le paragraphe précédent, les algorithmes informatiques : les smartphones, avec leur puissance de calcul énorme, ont la capacité d'embellir (ou d'enlaidir) leurs photos grâce a des traitements informatiques poussés mais, comme pour le maquillage pour l'être humain, ces traitements cachent ou «inventent» des informations (par exemple, en extrapolant les pixels pour permettre de zoomer numériquement) ! Essayez donc d'agrandir une photo de smartphone (le truc où l'optique est pleine de traces de doigts, de poussières ou de rayures) et comparez avec celle d'un compact, d'un bridge ou d'un reflex équipé d'une bonne optique et vous verrez bien ! Comme vous ne pouvez pas forcément le faire, voici ce que ça peut donner (photos réalisées dans de bonne condition de luminosité à quelques minutes d'intervalle, avec un reflex Sony full frame 24x36 de 2010, à gauche et un Ipad mini de la première génération, à droite) :

Photo Sony - Ipad

Photo Sony - Ipad

En conclusion : tout dépend des photos que vous voulez faire et ce que vous voulez faire des photos ! Puis, certains photographes sont certainement capables de faire de bien meilleures photos avec un smartphone que d'autres photographes équipés de reflex full frame 24x36. L'outil ne fait pas l'ouvrier, mais un bon ouvrier fera toujours un meilleur travail avec de bons outils. Je pense sincèrement qu'après avoir choisi ce que vous voulez faire comme photo, seul le choix des optiques (focale, ouverture et qualité de fabrication) et de la taille du capteur (en mm², pas forcément en nombre de pixels) devraient entrer en jeu quant au choix du type d'APN, c'est-à-dire le choix entre un compact, un bridge ou un reflex ! Au passage, n'oubliez pas qu'un grand nombre de fonctions proposées par les APN sont secondaires, voire superflues comme la localisation GPS, la Wifi ou encore la retouche sur écran tactile de l'APN. Si vous avez l'intention de réaliser de bonnes photos, vous n'aurez pas envie de les poster aussitôt sur les réseaux sociaux car vous ressentirez alors le besoin de les contrôler ou de les retoucher sur un grand écran d'ordinateur, dans des conditions bien meilleures que sur le petit écran de quelques centimètres-carrés d'un APN. Quant à la localisation des photos, ça pourrait être bien utile lors d'un safari photo par exemple, mais pourquoi vouloir localiser un rhinocéros à 20 mètres près, si ce n'est pour aider les trafiquants à tuer ce magnifique animal ? C'est malheureusement ce qui se passe : les braconniers utilisent les réseaux sociaux pour trouver les animaux grâce à la géo-localisation des photos postées ! Il est donc recommandé d'inhiber la fonction GPS des APN lors de safari. En tous cas, ne partez pas sur un safari, en comptant faire de bonnes photos de dik-dik, avec un smartphone en poche et un complément optique à clipser sur le smartphone ! Et à contrario, ne prenez pas un reflex full frame pour ne faire que des photos de votre petit dernier en train de massacrer la tapisserie à coup de crayons feutres, un bon compact suffit... Mais chacun fait ce qui lui plaît !

PS : Pour savoir ce qu'est un dik-dik, lisez donc notre carnet de voyage en Namibie sur sur https://www.amvdd.fr !

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