Article n° 14, publié le 11-Février-2012, par Christophe.
Catégorie(s) : réflexions diverses.
Comme je l'ai déjà expliqué dans un article précédent, nous ne sommes pas pétés de thunes ! Certes, tout est relatif, mais tant qu'il n'y a personne pour faire notre vaisselle et notre ménage, nous ne nous considérons pas comme riches. Nous faisons donc attention à ce que nous achetons et en particulier, les prestations lors de nos voyages (locations, restaurant, etc...). J'ai déjà écrit un article sur le voyage de groupe et j'ai oublié une catégorie : «le pingre» (rassurez-vous, on peut cumuler les titres ). C'est bien d'être économe, mais quand on commence à faire des économies en profitant des autres, là on devient un pingre et ce genre d'individu peut rapidement devenir insupportable.
Bizarrement, nous avons souvent rencontré le pingre en Afrique. Le continent pauvre de la planète semble les attirer (c'est aussi presque le seul continent où nous avons fait des voyages de groupe, ça relativise aussi). Prenons l'exemple du Kenya (mais cela fonctionne aussi pour d'autres pays africains). C'est un pays très intéressant pour les parcs nationaux avec les animaux sauvages mais aussi pour les «rencontres» avec les Masaïs ou les Samburus. Le problème du Kenya est que c'est hors de prix car le pays mise sur le tourisme de luxe avec des lodges «haut de gamme» et le prix d'un séjour en lodge atteint des hauteurs dignes du sommet du Kilimandjaro. Pour pouvoir nous offrir ce voyage, nous sommes partis en camping, avec une tente igloo, loin des camps de toile «tout beaux, tout propres». Dans ce contexte, nous retrouvons alors Mr «Pingre» dans toute sa splendeur : il a choisi ce séjour parce qu'il était 50 % moins cher que les autres ! Le problème, c'est qu'il n'a surtout pas lu le détail des prestations proposées pour ce prix. Une fois sur place, il devient rapidement un emmerdeur de première catégorie : il a payé donc il a droit aux prestations «haut de gamme», même si ce sont les autres membres du groupe (qui ont payé autant que lui) qui doivent en pâtir ! Comme je l'ai dit au début de l'article, je ne suis pas riche car je fais la vaisselle chez moi (pas assez me dirait Anne-Marie). Là où ça ne m'amuse plus du tout, c'est quand je dois faire la vaisselle de Mr «Pingre» à sa place !
Il faut savoir ce que coûtent les choses et les payer au prix juste pour ne pas être le pingre qui profite des autres et pas seulement des autres touristes. On arrive alors sur le délicat problème du pourboire aux guides et chauffeurs (ou serveur, femme de ménage, etc...) pour qui le pourboire représente souvent l'intégralité de leur salaire. Certains pingres doivent considérer que le chauffeur africain qui les promène peut vivre avec bien moins de 50 centimes d'euros par jour. Bin, non ! Le chauffeur doit recevoir un salaire décent, relatif au pays certes, mais décent ! Le prix du riz n'est pas forcément bon marché en Afrique. Si on prend l'exemple de Madagascar, la région de Majunga est le grenier à riz de la grande île. La région produit un riz de très bonne qualité qui se négocie à bon prix sur les marchés internationaux. Ce riz est donc réservé à l'exportation et c'est du riz de médiocre qualité qui est importé pour la consommation locale. C'est logique dans un sens, mais cela explique surtout pourquoi le paysan malgache achète son riz à un prix mondialisé, donc sensiblement identique à celui que nous payons en France (si on fait exception du prix du conditionnement que nous payons très cher et que le riz que nous trouvons sur les rayons du supermarché est prêt à l'emploi, nous n'avons pas besoin de le laver avant cuisson). Un chauffeur africain avec un salaire de 50 centimes d'euro ne pourra pas convenablement nourrir sa famille. Le pingre tentera de prouver le contraire, que le chauffeur africain peut aussi cultiver son jardin et faire pousser ses propres légumes. Quand ? Il est 7 jours sur 7 derrière le volant, plus de 12 heures par jour, je ne vois pas quand il a le temps de s'occuper de son jardin. Sa ribambelle de gamins peut s'en occuper (beau cliché raciste au passage) ? Ils vont à l'école (souvent payante et chère) pour éviter de finir comme chauffeur de pingres.
Je pense que si tous les pingres arrêtaient de vouloir des prestations «haut de gamme» tout en payant le moins cher, ça serait bien mieux pour tout le monde ! Le chauffeur kenyan, payé un salaire décent, pourrait, par exemple, investir dans une petite affaire à soi (ou en coopérative), ouvrir un gîte au prix beaucoup plus abordable que les lodges «haut de gamme». Cela se fait dans certains villages au Sénégal et c'est très bien. Sans intermédiaire, l'argent payé par le touriste qui finalement aura dépensé moins que dans un lodge, profiterai pleinement à l'économie locale, sans prélèvement pour les actionnaires occidentaux. Cela serait une sorte de tourisme équitable. Certains tours opérateurs proposent des formules avec cette étiquette, mais leurs voyages ne semblent pas vraiment correspondre à nos attentes (ce sont souvent des «voyages solidaires» que j'évoque après). Et de toute façon, tout cela est totalement utopiste car ça ne résoudra pas le problème du pingre qui trouvera toujours à la redire (c'est malheureusement du vécu) : il faut porter ses bagages, la bière n'est pas assez fraîche, il n'y a pas de steak-frites, etc, etc... Le pingre veut les prestations d'un palace de la Côte d'Azur, payées au prix d'un camping au fin fond de la Creuse, un point c'est tout !
Dernièrement, se développent les voyages solidaires : le touriste paie un prix très faible pour un séjour où il travaillera pour la communauté. Même si je reconnais que c'est certainement très gratifiant de donner, par exemple, des cours de math à l'autre bout de la Terre et que ça permet vraiment d'être en contact avec la population locale, je n'ai pas envie de travailler pendant mes vacances. Pour moi, les vacances, c'est faire tout ce que je ne peux pas faire le reste de l'année parce que je suis au travail. Par contre, je ne suis pas contre un projet du style donner des photos (de manière non exclusive) pour éditer un livre ou un calendrier au profit d'une communauté quelconque. D'ailleurs, nous avons déjà offert des photos à une association pour venir en aide à des sinistrés d'une catastrophe naturelle (nous avons envoyé des photos d'un voyage que nous avions fait avant la catastrophe). L'association a publié un calendrier avec nos photos, entre autres, pour récolter des fonds. Le seul hic, c'est que quelques années après, nous avons rencontré un des membres de l'association (un seul qui, je l'espère, ne reflète pas le reste des membres de l'association). Nous avons eu alors la très nette impression qu'il utilisait l'association pour lui permettre de plonger à très faible coût, voire gratuitement, partout dans le monde et en particulier sous les tropiques. J'espère bien que je me trompe mais je pense quand même que ces voyages solidaires ouvrent la porte en grand aux pingres qui en profitent. Après, ce n'est pas parce que des pingres en profitent qu'il ne faut pas organiser ce genre de voyage pour ceux que ça intéresse. J'espère seulement que les pingres ne représentent pas la majorité des clients de ce genre de formule.
En conclusion, bien sûr, faites ce que vous voulez mais quand vous vous payez un voyage, lisez bien le détail des prestations. N'imaginez pas vous offrir le luxe des milliardaires au prix du camping municipal d'Argenton-sur-Creuse, ça n'existe pas ! Si c'est trop cher pour vous, choisissez une autre destination. Par exemple, beaucoup de personnes que nous côtoyons trouvent étrange que nous ne soyons jamais allés en Polynésie Française. C'est pourtant assez simple : c'est bien trop cher, même si les Marquises nous font rêver. Le billet d'avion, les transferts inter-îles, le bungalow sur pilotis au-dessus du lagon (ça semble assez difficile de trouver d'autres hébergements, à l'exception de dortoirs), tout cela n'est pas donné ! Nous préférons donc, sans regret, retourner sur l'Ile de la Réunion, un paradis à la portée de notre bourse (et même sans critère économique, la Réunion, c'est vraiment très bien, pour les plongées, les randonnées, la gastronomie, etc...).
PS : Si jamais on se croise lors d'un voyage de groupe, j'espère que vous n'essaierez pas de nous faire faire votre vaisselle, sinon cela m'obligerait de relater vos «agissements» dans nos carnets de voyage (car je suis certain qu'il n'y aura pas que le déni de vaisselle à votre charge). Rassurez-vous, vous ne serez pas nommé expressément mais je vous attribuerai un surnom péjoratif .