Instants Grrrrrrr !

Article n° 158, publié le 4-Mai-2019, par Christophe.
Catégorie(s) : réflexions diverses.

BD instants grrrrrrr - 1

BD instants grrrrrrr - 2

BD instants grrrrrrr - 3

Il était une fois un appareil photo sorti dans les années 1960 (mais dont l'usage s'est popularisé dans les années 1970), qui était capable de développer des photos instantanément, contrairement aux appareils argentiques classiques avec lesquels il fallait attendre de finir la pellicule, de l'amener dans un laboratoire pour la développer pour enfin découvrir ses photos quelques semaines plus tard. C'était le Polaroid qui avait à cette époque une raison d'exister, même si le résultat était souvent surnaturel avec des couleurs toujours un peu irréelles qui attiraient cependant quelques artistes. Dans les années 2000, sont arrivés les premiers appareils photos numériques qui offraient la possibilité de visualiser rapidement la photo sur l'écran de l'appareil. Les Polaroids n'offraient alors plus grand intérêt (à part le fait d'obtenir instantanément un tirage papier pour le donner) et ils ont rapidement disparu des rayons des magasins. Mais malheureusement, sont apparus les smartphones ! Avec ces engins, on peut prendre une photo, la voir rapidement, la partager mais aussi lui appliquer des filtres pour la rendre aussi surnaturelles que celles des Polaroid des années 1970, ou pire (moyennant l'utilisation d'une smartphone à plus de 1.000 euros), ajouter automatiquement des groins de cochon ou des oreilles de lapin sur les figures des personnes prises en photo ! Mais pourquoi ? Pourquoi vouloir enlaidir une photo ? Et surtout, pourquoi la personne qui ajoute des oreilles de lapin sur une photo avec un smartphone est moins débile que le comique de service qui jouait à Winston Churchill derrière votre tête pendant une photo de groupe ?

Mais aussi, pourquoi je m'énerve contre Instagram ou autres applications foireuses pour smartphone ? Parce que pour attirer l'ahuri né avec un smartphone collé pendant l'accouchement sur le front du gynécologue par le père soucieux de fixer à jamais les premiers instants de vie de son gamin (souvenirs qui seront perdus deux ans plus tard lors du remplacement du smartphone, ou oubliés à jamais sur le cloud, c'est-à-dire sur un ou plusieurs serveurs informatiques et énergivores, implantés au fin fond de la toundra), le très sérieux magazine Géo, réputé pour la qualité de ses photos, a publié dans son numéro décembre 2017 des photos du Pérou mal cadrées, avec un ciel tout pâteux mais surtout avec des couleurs filtrées donnant un résultat identique aux pires filtres Instagram (ces photos avaient certainement été réalisées avec un smartphone). Il manquait juste le groin de cochon aux lamas et on avait toute la panoplie moderne réalisable sur smartphone ! Franchement, ça ne me fait pas rêver ce genre de photos très loin du professionnalisme que l'on attend d'un magazine comme Géo et elles ne m'ont pas donné envie de lire le contenu de l'article que l'on pouvait préjuger superficiel. Je sais bien que les photos que je fais ne sont plus à la mode (ce qui fait de moi un vieux con, mais qui a la chance de voyager et de faire les photos qui lui plaisent, c'est au moins ça ;-)) mais il faudrait que les ahuris ayant eu 20 ans dans les années 2000 se rendent compte que l'on ne devient pas un artiste en défigurant une photo avec un filtre Instagram !

Cependant, les chiffres font peur : chaque jour, sur toute la planète, 80 millions de photos sont postées sur Instagram, soit presque 926 photos par seconde ! Même si seulement 1 % de ces photos ont été défigurées par une personne se croyant artiste en rajoutant un filtre foireux, ça fait quand même un grand nombre de schizophrènes. Si en plus, on rajoute le nombre de «like» que peuvent récolter ces photos enlaidies, le nombre de schizophrènes sur Terre dépasse l'entendement... Ou alors, est-ce moi ? Peut-être... C'est sûrement pour ça que je ne comprends plus la nouvelle mode en matière de photographie animalière, ou de nature, celle où l'animal doit être tout petit au milieu d'un grand espace tout blanc, donnant un résultat le plus souvent bi-chromique (et aussi très graphique). Le problème est que ce genre de photos ne peuvent souvent être réalisées qu'à grands coups de retouches sous Photoshop ou en ayant capturé l'animal (un insecte, en l'occurrence car avec un grizzly, c'est plus compliqué), qu'on aura parfois tué (sinon, cette sale bête continue de bouger) pour le photographier dans une mise en scène reconstituée en studio photo où le problème de l'éclairage artificiel ne se pose pas... Faire de la photographie de nature, en milieu naturel, sans tuer l'animal, et une photographie qui reflète la réalité non déformée par des filtres numériques, ça me semble logique, non ? Apparemment pas pour les photographes qui suivent de plus en plus cette mode...

J'en entends râler, je suis extrémiste dans mon raisonnement... Absolument pas ! Je n'ai pas dit qu'il ne fallait pas utiliser de filtres Instagram, ni coller des groins de cochon ou des oreilles de lapin sur les photos. J'ai juste dit qu'il ne fallait pas se croire artiste quand on utilise ces filtres et qu'une photo ne devient pas forcément plus jolie quand elle ressemble à une vieille photo de 1970 toute droite sortie d'un Polaroid. Quant au groin de cochon et aux oreilles de lapin, si vous avez l'âme d'un gamin de 10 ans, j'ai une blague qui devrait vous faire mourir de rire : «Vous connaissez la blague du photographe ? Elle n'est pas encore développée !». Oui, elle est ancienne et très mauvaise (je l'ai trouvée sur internet) mais si elle vous fait rire, je comprends mieux pourquoi vous avez acheté un smartphone à plus de 1.000 euros dans l'unique but de coller des oreilles de lapin sur des photos. Si vous avez l'argent pour ça et que ça vous fait plaisir, ne vous gênez pas, allez-y ! Quant à moi, c'est vrai que j'aurai voulu être une artiiiiiste, pour avoir le monde à refaiiiiiiiire, pour pouvoir être un anarchiste. Et vivre comme ... un millionnaiiiiiiiireeeeee ! Et oui, je dois être aussi schizophrène car je commence à me prendre pour Michel Berger... Inutile d'appeler les urgences psychiatriques, cet article a été rédigé il y a plus d'un an. Quand vous lirez cet article, j'aurais peut-être la chance d'être à Prague (ou ailleurs sur la planète), en train de pester contre ceux prenant des selfies sur le pont Charles ;-), ou d'être affalé dans mon canapé à pester contre la pub qui essaie de faire croire par de subtils jeux de mots que les tous derniers smartphones à 1.500 euros ont les qualités d'un appareil photo reflex !

PS : Des photographes animaliers, s'ils lisent un jour cet article, vont pester contre moi car ils vont penser que je critique leur travail alors que je ne réalise pas de photo à la hauteur de leur travail. Tout d'abord, j'arrive quand même à sortir quatre ou cinq belles photos par an, et parfois une très belle photo qui arrive à la hauteur d'un photographe professionnel. Certes, rares sont mes photos que je classerai dans la catégorie exceptionnelle. Je suis bien conscient de mes limites. Mais j'ai simplement dit que je n'aimais pas la dernière mode en matière de photographie animalière et j'ai surtout critiqué le fait de capturer, voire tuer un animal (même si ce n'est qu'un insecte), dans l'unique but de le photographier en studio. Je sais que la plupart de ces photos seraient impossibles à réaliser en pleine nature mais je considère que l'on n'a pas le droit de perturber un animal (même si j'ai dû le faire et que je le referai peut-être de manière involontaire) dans l'unique but de le prendre en photo ! Quand il s'agit d'une étude scientifique, dans le but de sauvegarder une espèce, cela est bien plus louable mais ça me gêne toujours quand des scientifiques équipent des animaux de colliers émetteurs ou de balises GPS.

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