Article n° 24, publié le 5-Août-2012, par Christophe.
Catégorie(s) : science & culture.
La pressurisation de la cabine des avions de ligne a bien dû faire fantasmer tous les scénaristes d'Hollywood, comme pour cet exemple le plus connu : Mr James Bond, surnommé 007, se bat contre Mr Goldfinger, une balle traverse un hublot, créant une dépressurisation, le corpulent méchant est aspiré et passe à travers du petit hublot défaillant ! Mais cela peut-il vraiment arriver ?
Pourquoi pressuriser un avion ? Déjà, on n'en n'aurait pas besoin si l'avion volait sous les 2.400 m, puisqu'à cette altitude, il y a encore suffisamment d'oxygène pour que les passagers ne souffrent absolument pas du manque (pour info, c'est l'altitude moyenne des stations de ski dans les Alpes). Par contre, les avions longs courriers volent beaucoup plus haut, à environ 10.000 m d'altitude ! A cette altitude, la pression atmosphérique est très faible (environ 270 mbar, presque 4 fois moins qu'au niveau de la mer). Il y a donc moins d'oxygène, en tous cas, de manière très insuffisante pour respirer convenablement. Dans la cabine, il faut donc augmenter la pression pour que les passagers puissent respirer convenablement.
Quelle pression a-t-on dans une cabine d'avion ? Celle-ci varie durant tout le vol ! Lorsque les portes de l'appareil sont ouvertes, la pression de la cabine est forcément identique à la pression extérieure. Lorsque les portes sont fermées et que l'appareil se positionne en début de piste, la pression de la cabine est même légèrement augmentée pour éviter quelques petits désagréments aux passagers lorsque l'appareil se cabrera (très légèrement) pendant le décollage. Pendant que l'appareil monte jusqu'à son altitude de croisière, la pression dans la cabine diminue, tout doucement, sans jamais passer sous la limite de pression correspondant à 2.400 m d'altitude. Pendant la descente, la pression de la cabine va remonter jusqu'à l'atterrissage, histoire que la pression dans la cabine soit identique à la pression extérieur pour l'ouverture des portes (si vous regardez bien, près des portes, il y a un «voyant» indiquant si les pressions sont équilibrées). En transformant la pression de la cabine en altitude équivalente, voici à quoi ressemble le profil d'altitude de la cabine (trait rouge) lors d'un vol (en bleu : altitude réelle de l'avion) :
Pourquoi ne pas pressuriser autour de 1.013 mbar, c'est-à-dire la pression atmosphérique moyenne au niveau de la mer ? Parce qu'il faudrait alors avoir une structure de cabine beaucoup plus résistante pour contrer l'énorme différence de pression qu'il y aurait entre l'intérieur de la cabine et l'extérieur et donc un avion plus lourd. Il faudrait alors des moteurs beaucoup plus puissants, qui consomment plus !
Pourquoi la pression cabine ne suit pas la pression extérieure pendant la montée et la descente de l'avion ? Un avion, ça monte vite et ça descend vite aussi. Si la pression de la cabine changeait aussi vite, on aurait tous mal aux oreilles (surtout à la descente), comme des plongeurs qui descendent sous l'eau. Les plongeurs ont été formés à faire la manœuvre de Valsalva pour éviter d'avoir mal aux oreilles. Cela n'est pas le cas de tous les passagers d'un avion, même si on leur donne des bonbons qui les font mastiquer et donc les aident à faire passer de l'air vers leurs oreilles internes. Le système de pressurisation fait donc varier doucement la pression dans la cabine pour le confort de nos oreilles. Pour cela, il reçoit même les données du pilote automatique, il sait donc quand l'avion va monter et quand il va descendre, pour gérer au mieux la pressurisation de la cabine.
Comment pressurise-t-on une cabine d'avion ? Comme un ballon de baudruche : on ferme le plus hermétiquement possible la cabine et on souffle dedans ! Pour souffler de l'air dans la cabine, on prélève de l'air sur les moteurs. Un moteur à réaction, ça commence par comprimer fortement l'air, avant de le mélanger avec le kérosène. On peut donc prélever de l'air pur, sans kérosène, sur les premiers étages de compression du moteur. Cet air comprimé (traits rouges sur le schéma ci-dessous) va servir au système de climatisation (et chauffage) de l'avion qui le souffle ensuite dans la cabine (trais bleus). La quantité d'air soufflé, en continu (il faut renouveler l'air en cabine pour éviter que le taux de CO2 monte), dépend uniquement des besoins de chauffage ou de climatisation de la cabine. Le système de pressurisation, quant à lui, possède une ou deux vannes qui laissent échapper l'air de la cabine vers l'extérieur. C'est en ouvrant plus ou moins ces vannes, que le système est capable de réguler la pression à l'intérieur de la cabine.
Quel diamètre ont ces vannes de régulation de la pression en cabine ? Environ une vingtaine de centimètres de diamètre, presque la taille d'un hublot ! Pour être exact, en haute altitude, un mécanisme de protection empêche la vanne de pressurisation de s'ouvrir à fond, on a donc finalement un trou beaucoup plus petit qu'un hublot mais il y a toujours un trou qui laisse l'air s'échapper de l'appareil, sans attirer tous les passagers au travers (même Mr Goldfinger).
Et les masques à oxygène ? En cas de dépressurisation, la pression de la cabine va chuter, les molécules d'oxygène dans l'air vont se faire plus rares ! Pour éviter le manque d'oxygène, c'est donc assez simple : il suffit d'en apporter directement au passager par le biais du masque. Par contre, comme il n'y a pas de réserve d'oxygène illimitée à bord, le pilote va aussitôt entamer une descente, histoire d'arriver à une altitude où il y a suffisamment d'oxygène, avant qu'il n'y ait plus d'oxygène diffusé dans les masques.
Peut-on être aspiré par un hublot défectueux ? Ca pourrait faire un sujet au bac, mais voici ma démonstration basée sur Goldfinger :
• Mr Goldfinger : tour de hanche de plus de 40 cm
• Taille du hublot : 20 x 20 cm, soit une surface 0,04 m²
• A 10.000 m d'altitude, la différence de pression «statique» entre la cabine et l'extérieur est d'environ 500 mbar
• Donc, sur ce petit hublot (quand même bien vaillant) s'exerce une pression de 500 mbar, soit l'équivalent d'une colonne de 5 mètres d'eau (un bar, c'est la pression exercée sur une surface par une colonne de 10 m d'eau), c'est-à-dire 0,04 x 5 = 0,20 m³ soit 200 litres d'eau ou 200 kg d'eau (on pouvait passer directement au kilo, mais c'est plus simple à visualiser avec une colonne d'eau ).
• Si on retire le hublot et qu'on le remplace par le grassouillet corps de Mr Goldfinger : certes, oui, Mr Goldfinger devait rester scotché comme une ventouse au trou laissé par le hublot mais pas passer au travers. 200 kg, répartis sur une zone de 400 cm² du corps humain, ça doit faire très mal mais ça ne me semble pas extraordinaire en soit : les haltérophiles (les recordmen) soulèvent bien plus et tout le poids des haltères reposent uniquement sur les paumes de leurs mains, c'est-à-dire une surface plus petite qu'un hublot. En conclusion, Mr Goldfinger devait souffrir d'ostéoporose !
• Des amis me disent que j'ai aussi oublié l'effet Venturi : l'air, passant le long de la carlingue, devant le trou du hublot, crée une dépression supplémentaire... Le mieux est de réaliser l'expérience : je lance donc un avis à cobaye voulant jouer Goldfinger ! Si je me suis trompé dans mes calculs, sachez que vous n'aurez pas besoin de parachute car avec un bassin brisé en deux, vous ne saurez plus où attacher les sangles du parachute...
En conclusion, j'espère bien ne jamais avoir besoin du masque à oxygène dans un avion, ça serait quand même beaucoup plus cool ! Et dorénavant, je laisserai les haltérophiles s'asseoir côté hublot .